À 34 ans, Cressida Pollock détient les ficelles de l’un des établissements culturels les plus prestigieux d’Angleterre. Diplômée de l’université de Cambridge, elle a fait ses armes et son chemin dans un univers exclusivement masculin : celui du patronat, du management et de la finance. Elle a exploré le fonctionnement des plateformes pétrolières de Dubaï et contrôlé la chaîne de distribution d’huile de palme en Indonésie avant de se battre contre l’épidémie du VIH pour le Ministère de la santé en Zambie – tout ça dans sa vingtaine. De retour à Londres, sa ville natale, Cressida s’est battue pour intégrer l’équipe de l’Opéra national. Celle qui, enfant, passait son temps à voler des cassettes VHS de retransmission d’opéras pour les regarder en douce, à l’abri de ses parents, est désormais à la tête d’une institution florissante qui vient de lancer son émission sur NTS Radio. La business woman a 5 précieux conseils à donner à celles qui veulent conquérir le monde de la culture
Accepte de dire que tu ne sais pas
J’avais 24 ans lorsque je suis sortie de l’école et j’ai commencé en étant associée junior dans une société d’investissement. Pour mes premiers jours, on m’avait autorisée à assister à une réunion. Je devais apprendre à poser les bonnes questions, me faire la main, ce genre de choses. En réalité, il s‘agissait d’un meeting très important avec de hauts dirigeants d’une grosse banque. J’étais la seule personne à pouvoir m’y rendre, car le reste de l’équipe était occupé. Je m’y suis donc rendue, seule contre tous. J’avais envie de disparaître sous terre. Je ne connaissais rien de leur groupe, de leur passé, de leur stratégie. Donc au bout de 20 minutes, j’ai réussi à marmonner ces phrases : « Écoutez. Je suis désolée mais je devais assister à cette réunion à titre d’observatrice. Je n’ai aucune envie de vous faire perdre votre temps ». Ils ont compris et accepté de déplacer le rendez-vous. Avant de partir, je suis parvenue à leur demander quelle était la meilleure question que j’aurais pu leur poser. À ma grande surprise, ils m’ont répondu et ce qu’ils m’ont dit ce jour m’a servi durant toute ma carrière. On passe le plus clair de notre temps à mentir mais parfois, il vaut mieux être honnête et avouer ne pas savoir. Ce directeur si influent que j’ai rencontré ce jour-là, continue de raconter mon histoire à d’autres. Il a apprécié mon honnêteté, j’imagine. Il s’est souvenu de moi.
Accepte qu’en tant que femme, tu dois travailler deux fois plus pour inspirer la confiance (pour le moment et pas pour longtemps on l’espère)
Lorsqu’on est jeune et qui plus est, une femme de pouvoir, nous sommes pour la plupart des hommes quelqu’un de bienveillant et chaleureux au travail. Vous pourrez vous en tirer un temps comme ça. Beaucoup de gens très respectables peuplent ce milieu professionnel mais vous aurez parfois à faire à des businessmen véreux avec qui vous serez bien forcée de dealer. Pour ma part, j’ai eu la chance d’être entourée de femmes très pro, talentueuses et reconnues. J’ai étudié et me suis inspirée de leur langage corporel lors de différentes réunions. Quoiqu’il en soit, il vous faudra assumer et faire valoir votre autorité. C’est un travail de chaque instant qui nécessite de changer sa façon de s’assoir, parler, communiquer. Les femmes ont une tendance naturelle à parler avec leur corps, à le mettre en avant. Lorsqu’on prend un poste de direction, il faut prévoir de s’entraîner à inspirer la confiance et celle-ci passe par les actes, mais aussi les paroles et les mouvements du corps. En tant que femmes, nous travaillons souvent deux fois plus que nos homologues masculins pour prouver que nous sommes à la hauteur.
Quand on veut, on peut
J’ai débarqué à Londres le jour de mes 16 ans. Je vivais près de Victoria, dans le cœur de l’une des villes les plus créatives du monde. Je me suis toujours sentie à ma place au théâtre, à un concert. Mais devant le bâtiment du Royal Opera de Londres, je me suis sentie toute petite. Lorsque mon père m’y a emmenée à sa réouverture et ça a été le déclic pour moi. J’y suis retournée de nombreuses fois après coup. Je m’y rendais après les cours avec mon pass’ étudiant et multipliais les spectacles de danse et les ballets au Sadlers Wells. Quelques années plus tard, alors que je faisais du consulting en management, j’ai entendu parler de ce projet avec l’Opéra national et je n’ai pas pu m’empêcher de penser que c’était un coup du destin. Je me suis répétée, intérieurement : « Je le veux, je vais piloter ce truc. » Je suis rentrée plus tôt de mes vacances pour harceler les personnes en charge de former la nouvelle équipe de l’opéra. Littéralement, je les ai harcelés. Ils m’ont finalement acceptée. Je commençais à me faire confiance et à être très en phase avec ce beau projet. J’ai fini par en faire ma vie.