Lignes, courbes et contours elliptiques – la jeune artiste franco-américaine Jan Melka les entremêle pour mieux tordre la vision polissée, idéalisée que la société contemporaine nous offre du corps humain. Noir, précis sans jamais perdre de sa volupté, le trait de Jan retranscrit ses émotions les plus intimes et les plus éphémères. Du même coup, il révèle sa volonté de laisser parler le corps, les sursauts qui le traversent et le temps qui l'abîme. Du haut de ses 21 ans, Jan compose ses dessins avec la ferveur des maîtres d'hier et la liberté créatrice de sa génération – un contraste à l'image de ses ambitions graphiques, en noir et blanc. Elle revient avec nous sur ce qui l'inspire.
J’ai l’envie espiègle de réaliser de grandes peintures pigmentées
Les couleurs, ça me rend toute excitée donc je suis incapable de les maitriser. Du coup, je m’en passe et me concentre sur les traits. J’ai choisi le noir parce que c’est neutre et tellement riche à la fois. Les nuances de gris sont infinies, le peu de couleurs qu’elles donnent me font suffisamment d'effet. Si ma pratique était un film, ce serait un documentaire sur les animaux dans la jungle, un truc comme ça. Long et chiant. Comme un escargot, je prends mon temps, je ne fais aucun effort, c’est un travail complètement égoïste mais tout à fait honnête. Ça pourrait aussi être une scène de film, on y verrait un couple parental qui fait l’amour de façon automatique. Une routine, un passage obligé. Je dessine car c’est ma routine et mon passage obligé pour m’exprimer. En ce moment, je compose des oeuvres à partir d’une large matière que j’ai réalisée cet été pendant mon voyage aux États-Unis. Mon objectif est de créer sans cesse et de viser plus grand.
Mes traits se touchent et ma préoccupation première est d’habiller la page
Certaines personnes parlent de sensualité, de sexualité mais ce n’est pas ce que je tente de représenter. Ma préoccupation première est d’habiller la page, de réaliser le graphisme que j’ai en tête. Les lignes que je dessine sont une étude sur le trait. J’utilise par vagues le même outil, use le même papier et répète les mêmes formes. J’ai toujours en tête le format du support, celui qui va équilibrer le trait ou plutôt le trait qui va équilibrer la feuille vierge. C’est un plaisir total et c’est pour ça que la couleur est absente. J’utilise un matériel et des supports simples pour favoriser la spontanéité. Je veux me sentir libre et maître des outils.
Je ne ressens pas le besoin d’écouter de la musique pour m’exciter le cerveau et créer
Pour moi, la musique et le dessin sont deux plaisirs différents. La musique est faite pour s’évader, sortir de soi – le dessin a le même effet sur moi. Quand je me sens bien avec certaines personnes, que je me sens légère, j’ai envie de dessiner pour profiter de ce moment.
Je représente des fantasmes momentanés, un idéal graphique
Je n’essaie pas d’intellectualiser mon dessin mais j’espère qu’il saisit et intrigue celui qui le voit car il en émane une grande sincérité.
À travers mes traits je veux transmettre mon humeur journalière
C’est un journal intime, le moyen que j’ai choisi pour m’exprimer. J’écris trop mal et personne ne pourra en dire autant sur mes compositions parce que l’art est libre et j’ai mon vocabulaire.