« Quatrième sexe : Indéfinition des genres, réaffirmation des plaisirs ». Derrière ce titre évocateur se cache l'exposition qui a pris ses quartiers à la galerie Le Cœur, à Paris. 29 artistes y présentent leur travail jusqu’au 25 février, dans un brouhaha de médiums et de formats qui s’entrechoquent pour mieux s’entendre. Un chaos semblable à celui dans lequel baigne la génération des artistes qui s’y prélassent. Mais de quelle génération parle-t-on au juste ? « De celle qui ne se reconnaît plus dans la binarité des genres », souligne Marie Maertens, commissaire de l’exposition, lorsqu’on la questionne sur ce qui réunit Laure Prouvost, Pauline Bastard, Jean-Luc Verna ou Chloe Wise, présents au Cœur.
Le dialogue se loge dans cet interstice, cette brèche où les langues se délient, les corps se libèrent et les sexes se confondent face au spectateur – sur la toile figurative et sensuelle que la jeune artiste Apolonia Sokol intitule sobrement « baiser », entre les lignes des dessins doucement fétichistes de Lisa Signorini ou dans les clichés performatifs et travestis du jeune duo féminin Elsa & Johanna. Un joyeux bordel où le sexe n’est plus ni l’apanage du premier (l’homme), ni du second (la femme), ni même des deux en même temps. Il s‘agit bien du 4ème sexe dont cette génération d’artistes s’empare, flirtant avec ce qu’on serait tenté d’appeler la 4ème dimension de l’art contemporain : plus libre, impertinente et indéfinissable que les précédentes. Après Beauvoir qui signait Le Deuxième Sexe en 1949, après la révolution sexuelle de 1969 et le mariage pour tous, Marie Maertens tente d’esquisser les contours d’une nouvelle liberté créatrice. « Les artistes présentés ne sont pas seulement des peintres, des sculpteurs ou des vidéastes : ils passent d’un médium à l’autre et se réinventent par-delà les carcans. C’est le plaisir de faire, de renouer avec la matière qui domine les œuvres de cette exposition. Chez la sculptrice Sara de la Villejegu, par exemple, il se matérialise dans un rapport charnel à la terre. Et ce plaisir naît d’une nouvelle liberté » – qu’elle soit d’ordre sexuel, érotique ou esthétique.
Certains diront de cet entre-deux qu’il est le symptôme d’une génération apathique et apolitique. Marie Maertens, elle, préfère y voir « une liberté d’être et de faire, un non-engagement qui devient malgré lui, engagement. »
Politique sans en avoir l’air, l’art qui se déploie dans cette exposition entend bien redéfinir ses territoires. A l’image de ses créateurs et créatrices qui rejettent les étiquettes, les œuvres mises côte à côte témoignent d’une chose : l’ouverture, le dialogue et la liberté génèrent de plus belles énergies que n’importe quel concept ou principe. Cette génération d’artistes a fait de l’indéfinition son mot d’ordre – bonne nouvelle : cet entre-deux offre une infinité de possibles et annonce une multitude de nouveaux engagements. Pour s’en convaincre, Marie Maertens ponctue notre conversation en citant une des artistes de l’exposition, Julie Béna : « On peut soulever de vraies problématiques sociétales en s’emparant d’un sujet en apparence léger, futile ou superficiel. » Les hédonistes ont trouvé leur refuge. Il répond au nom du Cœur.