L'artiste germano-ghanéenne Zohra Opoku vit et travaille à Accra. En renouant avec les techniques photographiques traditionnelles (le cyanotype, le procédé Van Dyke) et en entremêlant les médiums (l'installation, la performance et la photographie), Zohra explore la mode à travers les prismes socio-culturel, identitaire et psychologique. Issue d'une formation en mode et en photographie, l'artiste s'inspire de l'histoire de l'Afrique de l'ouest dont elle retranscrit les multiples facettes.
Mon plus vieux souvenir lié à l'art remonte à mes deux ans. Ma mère m'avait emmené voir l'exposition d'un ami qui se tenait en extérieur, dans un jardin.
Je me rappelle de cet instant où j'y suis entrée, où j'ai été confrontée à un univers à la fois étrange et familier. Je me souviens de l'atelier où j'ai déambulé à travers les toiles, humant l'odeur de la peinture et de la terre. Ma mère était choquée que je m'en souvienne adulte et puisse lister autant de détails de cet événement. J'ai commencé à pratiquer dès mes 12 ans. J'ai grandi en Allemagne de l'est et la mode de l'époque était très morose. Je me suis donc mise à dessiner mes propres tenues. Rivaliser d'originalité vestimentaire était le seul moyen d'échapper à la réalité de la RDA.
Vivre et travailler au Ghana me permet de profiter de chaque instant, de mesurer l'importance des ressources naturelles, faire avec et improviser.
Il existe des milliers de manières de s'exprimer à travers un médium. Je suis capable de m'adapter à tout et ma pratique a tout à voir avec le hasard. Je pense que le Ghana me permet d'être plus concentrée, sur les énergies naturelles par exemple. Elles m'aident à me reconnecter avec moi-même et à me plonger dans mon travail.
L'odeur de musc mélangée à celle du tabac froid est mon odeur préférée
Elle me ramène à l'enfance, quand ma tante et son amoureux venaient nous rendre visite d'Allemagne de l'ouest. Elle portait une essence de musc et l'odeur des cigarettes emplissait la cuisine à chaque fois qu'ils étaient à la maison. C'était la seule pièce où ils avaient le droit de fumer. J'ai retrouvé ce mélange olfactif plus tard dans ma vie. C'est ma madeleine de proust. Elle me rappelle les belles énergies, les conversations animées, les mélodies jouées au piano, les chansons... La maison était pleine de vie.
Je suis très heureuse d'avoir intégré ce nouvel atelier à Accra. Il m'aide à garder le rythme et à rester productive.
J'aime pouvoir basculer d'un médium à l'autre, travailler sur une installation en bois, une image, une installation en même temps. Mon atelier est tout près d'une forêt qui appartient au Jardin Botanique de l'université Legon. C'est le cadre idéal pour réaliser mes portraits, tôt dans la matinée. Quand la lumière devient trop forte, je me retire à l'ombre et continue de travailler sur mes installations en bois.
Ma grand-mère est la personne qui m'apaise et me transporte dans un autre espace-temps
C'est la plus vieille personne de notre famille et elle a beaucoup d'histoires à raconter. Elle m'aide à entrer en contact avec mon grand-père, décédé quand j'avais tout juste deux ans. Je suis fière de l'avoir à mes côtés. J'aime son amour des choses simples, sa joie d'avoir de quoi manger sur sa table. Elle est sept fois arrière-grand-mère et je ne suis pas sûre que j'arriverai jusque là !