Emily witt, l'auteure d’une nouvelle révolution sexuelle

L'auteure du livre Future Sex a exploré les nouveaux visages de l'amour et de la sexualité 2.0. 

L'année de ses 30 ans, Emily Witt, écrivaine, s'est retrouvée seule. Elle venait de sortir d'une relation amoureuse : « J'ennuyais tout le monde avec mes histoires, moi y compris », m'explique-t-elle aujourd'hui, revenant sur cette période de sa vie. Comme la plupart de ses amis, Emily avait quelques crushs, elle draguait dans les bars, se rendait à des rendez-vous pris via des applications de rencontres. Elle enchaînait les relations. Ou plutôt les « non-relations », comme l'auteure aime les définir. « Des arrangements ». 

Et puis un jour, elle a décidé de tourner la page. De quitter son état « intérimaire » pour aller explorer la sexualité des autres, ailleurs. En Californie, donc. Elle y est restée cinq ans et s'est attachée à disséquer la sexualité féminine post-internet – en y participant parfois, en la regardant, beaucoup. Elle s'est demandé si l'amour vraiment libre était encore possible. Si Internet pouvait insuffler une nouvelle révolution sexuelle. Ces recherches assidues l'ont menée vers un « dôme de l'orgie » au Burning Man, un atelier de méditation orgasmique, un tournage BDSM ou une partouze polygame et ont surtout donné naissance à son premier roman, Future Sex. Un ouvrage contemporain, sulfureux qui n'a pas manqué d'affoler la critique ni de s'attirer les foudres de certains magazines – le Los Angeles Review of Books ou Playboy. Mais ce livre est aussi une bouffée d'air salvatrice qui encourage ses lectrices (et ses lecteurs) à explorer son corps, ses désirs et sa sexualité. 

Si Emily Witt n’a pas trouvé « l’amour » ou le terminus de son voyage initiatique, elle a trouvé mieux : des perspectives nouvelles sur la question du sexe. Nous avons discuté avec elle de son parcours et de la façon dont ce livre a changé sa vie. 

Pensez-vous que le choix illimité de partenaires (dans les grandes villes) ait dépersonnalisé le côté réel des rendez-vous galants ?

Je pense que ce serait surestimer les effets de cette évolution. D’un point de vue romantique, les gens pensent bien sûr qu’il y a quelque chose de fondamentalement prosaïque dans le fait d’orchestrer l’expérience magique du coup de foudre, mais l’histoire est généralement orchestrée d’une certaine manière ; soit par l’ami qui vous présente, soit par le fait que vous vous trouviez dans un bar ou par vos regards un peu trop soutenus.

Quelles sont les différences entre la culture de la drague à San Francisco et à New-York ? Est-ce qu’il y a vraiment des différences ?

Il existe toutes les communautés sexuelles à New York, mais je dirais que cette ville est un peu plus conservatrice et peut-être que mon groupe d’amis était plus conservateur – pas au sens politique ! Disons qu’il y a moins de liberté concernant certaines façons d’être. À San Francisco à l’inverse, les gens sont très honnêtes lorsqu’il s’agit de sexualité, ils utilisent des mots de vocabulaires nouveaux et pensent leur vie comme un voyage plein de découvertes continuelles.

À New York les gens sont plus cyniques. Donc même si mes amis étaient libres dans le sens où ils couchaient tous les uns avec les autres, ils trompaient quand même leurs copines et leurs copains… Ils n’auraient jamais pu expliquer ce mode de vie de manière raisonnée. Personne n’en parlait, personne ne voyait cela comme une orientation ou une identité sexuelle, ils se considéraient simplement comme des célibataires new-yorkais.

J’ai été intriguée par votre propre ambivalence et par la façon dont vous ne semblez que très rarement impliquée tout au long du livre. De quelle façon est-ce que ce livre a changé votre approche de la sexualité ?

Ça l’a profondément changée. De manière très basique, je suis beaucoup moins timide et embarrassée lorsque je parle de sexualité et je vois cela comme un potentiel objet d’étude, alors que lorsque j’ai entamé ce livre je voyais le sexe comme quelque chose avec lequel nous étions nés, puis on rencontrait des gens, puis la connexion se faisait ou ne se faisait pas. Je ne voyais pas cela comme quelque chose dans lequel je pouvais m’améliorer. Ou que ce qui faisait qu’une personne était sexuellement expérimentée n’était pas uniquement le fait de coucher avec beaucoup de monde, mais plutôt de comprendre pourquoi on est ce qu’on est, et ce qu’on veut, et apprendre à donner un nom à cela…   

je suis beaucoup moins timide et embarrassée lorsque je parle de ma sexualité

Vous avez quelqu’un dans votre vie en ce moment ?

C’est drôle, j’avais un petit-ami pendant que je rédigeais le livre et nous avons rompu à la minute où la rédaction a été achevée. Je pense que je n’étais pas dedans. Mais flirter pendant que j’écrivais n’a pas été une mince affaire. Je ne pouvais m’empêcher de me dire : « qu’est-ce que je peux en tirer ? » J’analysais toutes mes expériences à travers le prisme du livre et j’ai eu du mal à me retrouver. C’était devenu difficile de vivre.

Et puis cet été j’ai rencontré quelqu’un. Je crois qu’on est vraiment amoureux, on pense à emménager ensemble. Cette chose que je n’arrivais pas à trouver, elle était là. Et au lieu d’imaginer ce que cette histoire pourrait être, j’essaie de ne plus l’enfermer dans ce que j’aurais pensé être une relation idéale : monogame, maritale, etc. Même vivre avec quelqu’un est devenu problématique et pas si évident. Mais heureusement pour moi, je suis avec quelqu’un qui aime l’idée de l’expérience, de la simplicité, de l’honnêteté, du respect mutuel et de la possibilité d’imaginer une relation hors des diktats de la monogamie. On verra bien ce que ça donne ! Je n’ai jamais eu envie de refermer la porte que j’ai entrouverte en écrivant ce livre.

Qui sont les personnes qui vous ont le plus influencée durant tes phases de recherches ?

Difficile à admettre car l’expérience était extrêmement bizarre mais les adeptes de la méditation orgasmique. J’ai beaucoup appris, conjuré ma peur de faire jaillir les émotions de mon corps – et ça se retranscrivait dans ma sexualité, évidemment. Je différenciais les émotions ressenties pendant l’acte sexuel du reste de ma vie. La sexualité était reléguée à l’acte sexuel, en somme. Mais j’ai appris de ces gens que notre sexualité représente bien plus que cela. Elle reflète notre manière d’être et de voir le monde, influent sur nos décisions quotidiennes.

Vous avez employé l’expression de « coming out » à ce propos…. C’est l’impression que vous ont faite ces rencontres ?

Oui, par exemple, j’ai appris à quel point le coming out pour une personne gay est un passage extrêmement important. Parce qu’il vous autorise à être intègre et sincère face au monde, non plus seulement par rapport à vos partenaires mais aussi par rapport à tous les gens que vous rencontrez. 

J’ai beaucoup appris, conjuré ma peur de faire jaillir les émotions de mon corps – et ça se retranscrivait dans ma sexualité, évidemment.

Quelle est la première chose que vous faites en vous réveillant le matin ?
Je bois du café.

Vous avez des habitudes, des tics, des rituels d’écriture ?
Tout dépend de là où je suis au moment où j’écris. Je suis très inefficace et j’ai tendance à perdre beaucoup de temps. Je jette énormément de pages et je tourne pas mal en rond avant de parvenir à écrire ce que j’ai en tête. Je ne suis pas du genre à m’asseoir et à écrire pendant six heures sans m’arrêter chaque jour. C’est un processus lent et laborieux. Mais parfois, ça fonctionne. Hendrik Kurtzberg, un écrivain du New Yorker a dit un jour qu’il pouvait écrire à partir du moment où l’humiliation due à la procrastination devenait trop insoutenable. C’est un peu la même chose pour moi. Ah et surtout, il faut que je sois seule. Vraiment seule. Sinon, ça me gêne. 

Dans quels endroits aimez-vous le plus travailler ?
J’ai vécu fauchée pendant pratiquement toute la rédaction du livre et je vivais dans une toute petite chambre, au sein d’un appartement partagé. Je pense que je serais allée plus vite avec plus d’espace. J’ai été chanceuse d’avoir un ami d’ami qui rénovait un studio de l’Upper East Side donc pendant quelques mois, j’ai élu domicile dans cet appartement vide où seuls une chaise et un bureau subsistaient. Je n’avais même pas internet. Juste une pièce vide.

Ensuite, je suis partie pour Berlin dès que j’ai pu me payer un endroit à moi. Je me suis retrouvée dans un appartement spartiate, pour ne pas changer ! C’est un peu mon idéal de vie : un studio, avec peu de choses où j’ai la possibilité de me connecter à internet.

Aujourd’hui je vis à Bushwick, j’ai un grand studio avec de larges fenêtres des deux côtés. Je m’assois dans la salle à manger et je travaille d’ici. J’aime la solitude, je crois.

Et pour vous détendre ?
Quand j’ai activé le mode monastique d’écriture, je fais du yoga, je descends pour courir, sinon je me déteste d’avoir passé la journée assise sur une chaise. J’aime aller boire des verres ou dîner dehors. Berlin, c’était bien. Malgré le fait que j’étais un peu solitaire, je n’avais pas d’amis sur place. Mais quand j’allais dehors, je ne le faisais pas à moitié. L’écriture est un processus douloureux… il influe énormément sur votre vie sociale et vos relations. 

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