当你初见 Letizia Galloni 时,很难不去注意她天然且无需修饰的美貌。Letizia 知道, 当在她刚学会走路时,她就开始跳舞之路了。在她还是个孩子时,电视里重播的一场《Swan Lake》(天鹅湖)让她决定要将芭蕾作为一生挚爱。虽然无论是她的朋友还是家人都未曾踏入过巴黎歌剧院(Opera Garnier)一步,但这无关紧要,她凭借着自己的努力跳上了那栋古老建筑的漂亮台阶,并且坚信自己将在不久将来骄傲地成为第一位有色舞者主演现代舞教母 Pina Bausch 的芭蕾舞剧《The Rite of Spring》(春之祭)。
Letizia Galloni impressionne. Sa démarche, son regard et ses gestes respirent le calme et la sérénité qu’ont les très grandes personnes. Elle a 24 ans, la tête sur les épaules et l’opéra national de Paris sous ses pieds. C’est en regardant une rediffusion du Lac des Cygnes à la télévision, enfant, qu’elle a su de quoi serait rythmée sa vie : de pas, de répétitions, d’exaltation et d’une grande fierté – celle d’être l’une des premières danseuses métisses à devenir l’étoile d’un ballet. Et pas n’importe lequel puisque Letizia interprétait brillamment l'année dernière Le Sacre du Printemps mis en scène par la grande Pina Bausch. Sa force et son entêtement l'ont hissée à la tête de ses rêves. Nous l’avons rencontrée pour en savoir plus sur son parcours hors-norme, ses émotions sur scène et le futur qui l’attend.
Bonjour Letizia ! Quand est-ce que tu as su que tu voulais devenir danseuse ?
J’étais toute petite et devant la télévision. À l’écran se jouait le Lac des Cygnes. J’ai tout de suite été subjuguée par la beauté du ballet, les couleurs et les détails des costumes, du décor, de la scène… Et par les regards du public, rivés sur la scène. J’ai su que je ferais partie de ce monde, un jour. J’ai commencé la danse à l’âge de six ans dans un petit conservatoire de banlieue en Seine-et-Marne. Trois ans plus tard, j’intégrais l’école de l’opéra national, à Paris. Nous nous entrainions à Nanterre mais chaque année, notre spectacle se déroulait à l’opéra Garnier. Pour la petite fille que j’étais, c’était un rêve de toujours qui se réalisait alors : l’architecture, les dorures aux murs, les fresques au plafond, les loges, l’histoire… Tout participait à la féérie de cet instant si particulier. J’en garde des souvenirs très vifs.
Quels souvenirs te reviennent lorsque tu y penses ?
L’odeur de la laque, du maquillage et du talc dans les loges me ramène instinctivement en enfance. Chaque fin d’année était marquée par cet épisode heureux, festif et fondateur pour toute apprentie-danseuse. Encore aujourd’hui, ces odeurs m’évoquent mes premiers émois sur scène.
Quel lien entretient ta famille avec la danse, la pratique artistique en général ?
Mes parents n’ont jamais baigné dans ce milieu artistique. Mon père est électricien, ma mère s’est occupée de nous et a consacré beaucoup de son temps à mes frères et sœurs et moi. Nous sommes 4 enfants ! Au final je suis très heureuse que mes parents soient extérieurs à ce monde. Au cours de ma formation, j’ai rencontré de nombreuses jeunes filles dont les mères, danseuses de formation ou par passion, transmettaient les angoisses, le souci d’excellence afin de conjurer leurs échecs passés. La danse, c’était mon choix, ma décision. Mes parents me soutiennent, me comprennent et m’ont toujours encouragée, depuis le début.
Tu as dansé le Sacre du Printemps de Pina Bausch. Et tu tenais le premier rôle ! Qu'as-tu ressenti sur scène ?
C’est la première claque que je me suis prise sur scène. J’étais en deuxième année et tout s’est passé tellement vite ! J'ai d'abord joué dans le corps du Sacre du Printemps. Puis, en décembre 2015, Benjamin [Millepied] et les répétiteurs de la compagnie de Pina m’ont donné l'opportunité de faire le solo du spectacle. Je ne pensais pas qu’il était possible de ressentir autant d’émotions sur scène. Le sol était recouvert de terre et nous dansions à son contact – c’était à la fois salvateur et éprouvant. Lors de mon solo, je suis entrée dans une sorte de transe. Les spectateurs, les danseurs, tous me dévisageaient. J’ai ressenti de la peur, de l'exaltation. Jamais je n'avais ressenti des émotions si contradictoires sur scène. J’avais l’impression d’être dans la peau d'un animal, voulant à tout pris s’enfuir. La violence symbolique du ballet en fait sa force : Le Sacre du Printemps raconte l’histoire d’une communauté et du sacrifice de l’un de ses membres. J'interprétais l'Élue, un grand honneur car depuis la mort de Pina Bausch, aucune danseuse extérieure à sa compagnie n’avait pu danser ce rôle.
Est-ce que ce spectacle t’a fait grandir ?
Bien sûr, forcément un peu. Il m’a marqué en tant que femme et en tant que danseuse. Il fait partie intégrante de ma vie aujourd’hui. J’écoute en boucle Stravinski. Lorsque j'entends les premières notes du Sacre du Printemps, j’en ai des frissons tant cette musique me ramène à l’effroi, l’extase et l'euphorie vécues sur scène. C'est un peu comme si je me retrouvais, que je retournais en moi. Je suis assez timide dans la vie de tous les jours et la scène est le seul endroit au monde où je me sens en phase avec moi-même, où je me libère de toutes les contraintes sociales qui m’enserrent. Je me réincarne tous les jours sur scène et à travers la danse.
As-tu des figures féminines qui t’inspirent au quotidien et te guident dans ta pratique artistique ?
J’ai beaucoup d’admiration pour la danseuse étoile Aurélie Dupont, depuis toute petite. Son parcours, son attitude, les émotions qu’elle parvient à transmettre au public, sa façon de penser et d'apprendre – tout chez elle respire l'intelligence et l'humanisme. C’est elle qui prend la relève, depuis Août, de Benjamin Millepied à la tête de l’Opéra national. C’est une figure féminine forte et une inspiration pour les filles de ma génération.
Tu es d'origine italienne et congolaise – et l'une des premières danseuses métisses à mener des ballets classiques et contemporains à l'opéra. Quel effet ça te fait ? Tes origines t'importent-elles ?
C'est vrai. J'ai également eu mon premier rôle d'Etoile dans La Fille Mal Gardée de Frédérick Ashton. Un ballet classique, du coup. Et j'ai été la première danseuse métisse à le danser à l'opéra. Mes origines africaines m'importent, évidemment. Même en travaillant dans ce milieu, je n'oublie pas mes racines ni d'où je viens. J'en suis fière. Ça n'a jamais été une revendication mais j'espère pouvoir servir d'exemple à toutes les petites filles qui se reconnaissent en moi. J'espère leur montrer qu'il est possible de suivre et vivre ses rêves, malgré les préjugés et les stéréotypes. La danse devrait appartenir au monde entier.
I’m a really shy person and dance is the only way for me to express myself, to free my body from social and everyday pressures.
Did the show make you grow emotionally and spiritually?
Yes, of course. As a woman and as an artist, Rite of Spring is part of my life. Sometimes, when I’m alone at home, I love to play and listen to some Stravinsky, who composed the music it is set to. As soon as I hear the first notes, I can’t help myself thinking that music changed my life forever. I just have to think about that concert to get chills. It makes me feel feelings I’ve never felt before. I’m a really shy person and dance is the only way for me to express myself, to free my body from social and everyday pressures.
You’re part Congolese – and the first mixed race Prima Ballerina to take the lead role in a show at the Opera.
Yes. I was the first mixed race woman to star Frederick Ashton’s show, La Fille Mal Gardée, at the Opera. I’m proud of my origins and no matter if I’m at home or on stage, I never forget who I am or where I come from. Yet I don’t feel like I truly need to claim my background in order to exist. I only wish I can serve as an example in a way so that girls of all backgrounds can relate to, despite of all the stereotypes or prejudices they have to face.
Who have been your role models as a ballerina?
One particular Prima Ballerina has inspired me since I was a kid. Her name is Aurélie Dupont. She now directs the National Opera, since Benjamin Millepied left. Everything about her attitude, the way she moves and teaches, is full of humanism and sensuality. She embodies a certain kind of femininity: she is proud and completely free when she dances. I always thought femininity was not about body or appearance – it is about spirituality and senses. Femininity is the energy you bring about and pass on to the world.