rooney mara : hollywood en bande à part

L'actrice la plus discrète d'Amérique a accepté de discuter de ses deux derniers films et de l'au-delà avec nous. 

Le soleil se lève tout juste à Los Angeles lorsque Rooney Mara répond à mon coup de téléphone. L’actrice, connue pour sa réserve à l’égard des médias, refuse généralement de se plier aux règles d’Hollywood. Ses apparitions sur le tapis rouge sont rarissimes et les interviews qu’elle accorde à la presse ne révèlent jamais sa vie privée. À l’heure où les réseaux sociaux sont un des outils les plus usités par les célébrités, son silence médiatique et virtuel fait mouche. Rooney Mara a beau faire du cinéma, les injonctions à s’exposer sur la toile et dans les médias ne l’atteignent pas. Rare, mais rafraîchissant. Dans le dernier film, The Discovery, l'actrice se retrouve sur une île délaissée sur la côte américaine – un décor qui sied particulièrement bien l’actrice secrète et diplômée de psychologie. Sur cette île, un scientifique respecté a prouvé l’impossible : la vie après la mort existe. Mais cette découverte n’est pas sans conséquence et des milliers de personnes se suicident pour accéder à leur vie d’après. 

Isla – le personnage qu’interprète Mara – débarque un an après l’annonce de cette découverte scientifique. C’est une femme hantée par son passé, à l’humour noir. Elle tombe très vite amoureuse de Will, le fils de ce fameux scientifique révolutionnaire.

Ce n’est pas un hasard si Mara s’est retrouvée impliquée dès la genèse du film : Charlie McDowell, son réalisateur, partage la vie de l’actrice. Ce dernier, conscient de la faculté de Mara à se réinventer à travers de multiples rôles, lui a demandé de participer à la création du personnage d’Isla : « Ils avaient déjà commencé à écrire sur ce personnage, m’avoue-t-elle, se dédouanant de toute responsabilité créative et scénaristique. « Je leur ai juste donné quelques exemples de [qualités] qui pourraient coller au personnage et leur ai parlé des choses que je voulais essayer. » Que cherchait-elle à dévoiler, à travers le personnage d’Isla ? « Je préfère ne pas parler de ces choses, répond-elle avec un brin de réticence, avant d’ajouter : « parce que je ne sais pas si je suis parvenue à les accomplir ! »

Les histoires de science-fiction font la force de Mara. Pour Side Effects en 2013, l’actrice s’est mise dans la peau d’une femme meurtrière qu’une drogue pousse à tuer son mari. Un an plus tard, elle s’est offert un rôle de choix dans le film de Spike Jonze, Her. Elle se transformait en l’ex-femme d’un écrivain, épris d’un programme informatique ultra-moderne.  « La science-fiction a toujours intrigué les gens, m’affirme-t-elle quand je la questionne sur son goût pour le genre. « Elle effraie autant qu’elle fascine, pas seulement aujourd’hui mais depuis des décennies. »  

Mais quelle place occupe l’amour dans ces environnements hostiles et désirables ? Elle marque un temps, réfléchit. « Je ne sais pas s’il en a une, admet-elle. Quelle que soit la situation, le public se retrouve dans une histoire d’amour. » 

Quelle que soit la situation, le public se retrouve dans une histoire d’amour.

Pendant notre (brève) conversation, quelques-unes de mes questions sont laissées sans réponse, ou des phrases « Je ne suis pas certaine » et « Je ne pense pas ». À aucun moment Mara fait-elle allusion à son personnage en se fabriquant une réponse toute faite. Elle ne mentionne pas non plus les raisons qui l’ont poussée à choisir son dernier film. C’est un fait assez rare dans le monde des actrices, pour qu’on le remarque. Et qu’on en tire quelques conclusions :  Mara ne mélange pas sa vie privée et sa vie publique. Mais tout porte à croire qu’elle a ses raisons bien à elle de choisir les personnages qu’elle incarne à l’écran – elle n’a juste pas envie de les partager.

Difficile de faire un film sur les maladies mentales sans tomber dans l’irrespect ou la surenchère esthétique. The Discovery est à cet égard un film réussi qui parvient à évoquer des thèmes comme l’autodestruction, incarnée par des personnages bien ficelés, profonds. Des personnages comme Isla.

Cette façon à la fois humble et respectueuse de traiter la maladie mentale a-t-elle influé ou dicté le choix de Mara ? « Sans doute, même si je ne l’ai pas formulé comme ça, m’explique-t-elle. C’est juste un personnage et nous n’avons pas pour ambition de faire un état des lieux de la santé mentale ». L’ambition de Mara était tout autre : « [interpréter] un personnage qui a du sens. » 

Il se passe toujours quelque chose de spécial entre un public et un écran de cinéma. C’est une expérience à part entière.

The Discovery est le premier film produit par Netflix que s’offre Mara, une façon de toucher un plus large public, ce dont peu de films de genre peuvent se targuer. Pour l’actrice, accoutumée à se voir offrir des rôles pour de petites productions ou des films d’auteur, c’est un changement conséquent : « Je suis très heureuse que le film puisse toucher un plus large public, confie-t-elle. Je passe moi-même beaucoup de temps sur Netflix. J’aime l’idée de regarder les films au calme, chez moi. Même si je suis nostalgique du temps où les gens regardaient les films autrement », admet-elle, avant de révéler son amour pour le cinéma. « Il se passe toujours quelque chose de spécial entre un public et un écran de cinéma. C’est une expérience à part entière. 

À cet instant de la conversation, je m’excuse auprès de Rooney de lui infliger des questions aussi sinistres. Mais il m’est difficile d’ignorer le thème de mortalité qui parcourt les deux derniers films qu’elle a interprétés cette année. The Discovery aujourd’hui, et le drame de David Lowery, A Ghost Story, qui sortira plus tard cette année. Ces deux films explorent la problématique de la vie après la mort. « Je n’avais pas vu les similarités entre ces deux films », argue-t-elle, rappelant qu’elles se sont révélées à elle une fois les films finis. « Peut-être qu’inconsciemment, il y a quelque chose de lié [ à la mortalité]; quelque chose que je voulais creuser. Elle s’arrête un instant avant de poursuivre : peut-être que c’est parce que je vieillis ! »  

Deux mois seulement ont séparé le tournage de The Discovery du tournage de A Ghost Story, et le fait d’incarner à deux reprises des personnages aussi profonds laisse penser qu’on n’en ressort pas indemnes. « On peut participer à un film très sombre sans pour autant être dans cet état d’esprit, affirme-t-elle. Tout dépend du film, de l’équipe, du casting ou du réalisateur, de l’endroit où l’on tourne, de ce qu’on traverse dans sa vie personnelle, aussi. » À cet égard, travailler aux côtés de Jason Segel, l’acteur qui rivalisait d’humour pour Forgetting Sarah Marshall et How I Met Your Mother, a sans doute rendu l’expérience plus légère. « Oui, c’était incroyable de travailler avec lui, confie-t-elle, devinant le sourire sur ses lèvres à travers le téléphone. C’est un homme super et un vrai bosseur. » 

Avant de la laisser, je me risque à demander à Mara si elle s’est déjà questionnée sur la problématique de la vie après la mort : « Évidemment, y a-t-il une seule personne au monde qui ne se l’est pas posée ? »

Et si Rooney Mara pouvait aller dans l’au-delà, irait-elle ? « C’est une question intéressante… Je ne sais pas vraiment quelles conséquences cela aurait. Mais il me serait difficile de refuser une telle offre ! » 

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