Déjouer les lois de la gravité. Pour Corniche Kennedy, l'adaptation du roman éponyme de Maylis de Kerangal, Lola Creton interprète une adolescente en quête de sensations fortes. Avec sa bande, elle saute du haut des rochers qui bordent la cité phocéenne. Passée sous l'objectif des plus grandes dames du cinéma français (Breillat, Hansen-Love et Cabrera), la jeune actrice revient sur son parcours et évoque la puissance de l'instinct, ses premiers émois sur le plateau ou les souvenirs olfactifs qui l'inspirent et l'apaisent. Preuve que la douceur sert aussi la force.
Le jeu n’est jamais une abstraction, une dénégation de soi
J’ai toujours su que je ferais du cinéma, je ne me suis jamais posé la question de ce que j’aurais fait autrement. Je ne saurais pas qualifier ce qui a déclenché cette envie... Si ce n’est mon tout premier film, où instantanément je me suis sentie bien, à l'aise et vivante sur le plateau. Au milieu des fils, des cables et des projecteurs, je savais que je ne trichais pas. J'étais moi-même. C’est une sensation paradoxale qui ne m'a jamais quittée. Et si je passe mon temps à transfuser des émotions aux personnages que j’interprète, il existe une partie de moi en chacun d'eux.
Sur le tournage de Corniche Kennedy, j’ai compris à quel point j’avais peur du vide
J'ai toujours aimé la sensation d'être au bord du précipice, des falaises ou des tours. Mais je n'avais jamais ressenti une telle peur de sauter dans la mer et du haut des rochers. Avec Dominique Cabrera, la réalisatrice, j'ai appris à conjurer mon angoisse du vide. C'est l'instinct qui m'a sauvé. Les Marseillais qui passent leur temps à sauter du haut de la Corniche m'ont mise en garde : si tu réfléchis, tu paniques et là, c'est foutu.
J’aime lire et dire les textes. La voix est un médium qui parvient à transmettre des émotions très fortes
J’ai joué au théâtre de l’Athénée et j'y interprétais le texte de Marguerite Duras, Un Barrage contre le Pacifique. C’était ma première expérience sur scène et j'ai dû travailler pour que ma voix porte. Les voix qui me touchent sont souvent celles qui ont du coffre, du vécu, de la gravité – comme celle d'Arno, par exemple.
J'adorais mon arrière-grand mère, c'était une femme incroyable
Petite et lorsque j’étais avec elle, j’insistais pour qu’elle me montre comment elle enlevait son dentier. Chaque soir, après le diner, elle venait me chercher pour que je la regarde faire. C’était un rituel, un moment d’intimité très fort, un secret partagé entre elle et moi. L'odeur de la colle est indissociable de cette période de ma vie. Depuis, elle m'apaise et me rassure.
Je suis moins sensible à la violence physique qu'à l'injustice
Je suis quelqu’un de dur et la violence purement visuelle ne me dérange pas. En revanche, j'ai pleuré devant le dernier film de Kenneth Lonergan, Manchester By The Sea. Les histoires de famille qui dérapent ou l'injustice sociale me bouleversent au cinéma.