L’œuvre d’Apolonia Sokol est une véritable machine à remonter le temps. À travers ses portraits brossés à l’huile, la jeune artiste franco-polonaise tisse des liens entre Balthus et Hokusai, Whitney Houston et Salomé, ses proches et les inconnus qu’elle croise au détour d’une rue. Loin des poncifs passéistes qu’on pourrait lui prêter, Apolonia réunit les contraires et renverse les rapports hiérarchiques entre la pop et l’élitisme, le banal et l’idéal, le sacré et le profane au sein de ses toiles intimistes. À l’occasion de son exposition personnelle « Heartbreak Hotel» à la galerie Dutko à Paris, l’artiste nous invite à pénétrer son univers décalé, sensuel et féministe.
J’aime les gens que je peins
J’ai besoin de les saisir avec passion, de les chérir avec tendresse. Ce n’est pas tant le modèle qui fait la beauté d’une peinture mais les émotions qui le traversent lorsqu’on le peint. Je voyage beaucoup pour aller à la rencontre des bonnes personnes, écouter leur histoire et transposer le désir et l’inquiétante étrangeté qu’ils m’évoquent.
Je veux peindre sans compromis
J’en suis boulimique, tel un prédateur. Didier Semin dit de moi que je suis carnivore et possédée…
La musique est mon autoroute vers la transe
Il me faut du temps pour entrer dans cet état de concentration que j'appelle "la zone" et la musique est mon autoroute vers la transe. Quand je peins, j’écoute tout en boucle, frénétiquement. J'ai un énorme respect pour les performeurs et les musiciens ; ils sont dans la transmission directe de leurs émotions. Qu'on parle d’abstraction sonore ou de pop music… Je pense à Steve Reich comme Whitney Houston ou Wagner. Ma meilleure amie est une chanteuse rnb incroyable, ses mots et ses "beats" m’inspirent au quotidien.
L'huile est un poison qui me submerge et me tourmente
L’odorat est un sens inhérent à mon processus créatif. Comme je ne peins qu’à l’huile, je suis constamment submergée par les effluves toxiques de térébenthine. C’est un poison qui tourmente mes sens, s’attaque à ma peau et mes cheveux. Mais je n’y renoncerais pour rien au monde.
J’aimerais que mon art survive à l'histoire, indépendamment de mon genre
J'aime les grands maîtres, morts comme vivants : Morandi, Balthus, Henry Taylor ou Elisabeth Peyton. L'art est un langage dont le vocabulaire fait en permanence dialoguer les temporalités et nous apprenons l’histoire occidentale à travers ses artistes et ses peintures. En tant que femme peintre, mon travail est de prendre soin des femmes et de la peinture.