loulou robert, teen-romans à la française

À 26 ans, la jeune auteure passée par la case mannequin, ne s’arrête plus d’écrire. Après Bianca, le premier roman sombre et délicat qui la révélait l’année dernière, Loulou s’est empressée d’écrire la suite. Hope. Un récit d'apprentissage fulgurant qui raconte avec grâce les difficultés du passage à l'âge adulte. Nous l'avons rencontrée. 

Loulou Robert a 18 ans quand elle s'installe à Paris. Embarquée dans la frénésie de la capitale, elle capte immédiatement l'attention des photographes de mode, à commencer par le couple belge Inez et Vinoodh pour qui elle pose – juvénile et boudeuse. De muse, la mannequin s'est métamorphosée en auteure. L'année dernière, elle publiait Bianca – un roman d'apprentissage où la jeune héroïne se faisait interner en psychiatrie – un épisode qui fait écho à l'adolescence de Loulou. Son écriture organique, son "je" direct et familier et les aventures de Bianca, désormais guérie et grandie, se poursuivent aujourd'hui avec Hope. Un second opus que la jeune auteure a écrit sans trop attendre ni trop penser ; entre deux plages de sommeil et en soixante nuits. Un teen-roman fulgurant et brut qui retranscrit les difficultés du passage à l'adulte. Entraînée dans l'écriture d'un nouvel ouvrage et sur le point de révéler Bianca à l'écran, Loulou a accepté de nous parler d'elle, de son double fictif et des espoirs qu'elle nourrit pour sa génération. 

Bonjour Loulou. C’est ton vrai prénom ?

Oui ! Mes parents m’ont appelée comme ça en hommage au personnage d’Un Cœur Simple, un roman de Flaubert. Beaucoup de gens croient que c’est en lien avec le parfum : pas du tout ! C’est assez dur de porter un prénom comme celui-ci mais en grandissant, on finit par l’accepter. 

Tu viens de sortir ton deuxième roman, qui s’appelle Hope, quelles sont les différences par rapport à Bianca, le premier ?

Mon personnage principal, Bianca, se retrouve à New York et entame un duel avec la ville. Ce roman est très différent du premier mais on retrouve tout de même Bianca et son univers. Le rythme n’est pas le même étant donné que cela se passe à New York : il existe une énergie et une effervescence dingues dans cette ville. Bianca traverse beaucoup d’étapes là-bas : elle se retrouve dans un squat à Brooklyn, se lance dans le mannequinat, s’embourbe dans une relation avec un professeur, etc. Hope est une suite de péripéties rapides et fulgurantes.

Bianca a grandi, elle aussi ?

Elle a grandi, les questions ne sont plus les mêmes car elle a un an et demi de plus. Elle a 18 ans dans ce livre. La ville et le fait d’être loin, livrée à elle-même la font grandir. Cela se ressent dans le rapport qu’elle a au monde et à son corps, elle n’a plus 16 ans, apprend à se connaître et s’apprivoiser.

Pourquoi as-tu appelé ton nouveau roman Hope ?

Parce que l’espoir est un thème qui me parle, c’est en même temps ce qui te fait du mal parce que qui dit espoir dit déception. Mais sans espoir tu meurs. Dans Bianca, l’espoir nait du mannequinat, une industrie qui te force à être dans l’attente quotidienne. Tu espères et puis le coup de fil tombe et c’est la grande descente.

Dans une ville comme New York, c’est l’espoir qui m’a fait vivre, c’est ce qui m’a fait du mal mais qui me faisait tenir le coup. Pour le personnage de Bianca, que ce soit dans le monde professionnel, dans la maladie, dans l’amour ou dans la vie, l’espoir est ce qui la porte. C’est un thème de vie et c’est le thème de ma vie, donc je pense que ce titre était important. C’est un prénom aussi, je trouve ce mot très joli et quand je le prononce il y a quelque chose d’assez doux. Je trouvais belle l’idée de confronter ce mot à la dureté de New York. Et puis donner un titre anglais à ce roman était important pour moi. 

On est tentées de te demander si ce récit n’est pas un peu autobiographique… Qui est réellement Bianca, par rapport à toi ?

Bianca reste un personnage de fiction, je dirais que c’est un double fictif. On me demande toujours si ce qu’elle a vécu m’est arrivé, si c’est autobiographique. J’ai bien sûr vécu des choses similaires, dont je me suis inspirée pour écrire. Je suis en fait derrière les yeux de Bianca. Tous les personnages sont inventés, que ce soit Jeff ou Simon, les hommes qui croisent sa route, mais le personnage de Bianca est très proche de moi. Et puis j’écris à la première personne, j’ai moi-même eu 17 ans et ce qu’elle ressent, je l’ai ressenti aussi. 

Est-ce que le fait d’écrire à la première personne te permet d’avoir une plus grande proximité avec ton personnage ? Plus d’empathie ou de compassion peut-être ?

Je pense oui. J’écris toujours à la première personne, que ce soit dans mes romans ou dans mes nouvelles, j’ai toujours privilégié ce schéma narratif. J’ai besoin de me sentir proche de mon personnage. Peut-être qu’un jour j’arriverai à écrire à la troisième personne, qui sait ? Pour l’instant, je reste proche du narrateur, je me glisse dans la peau de mon personnage – ce que permet l’usage du je. Il y a quelque chose d’immédiat dans le je, très en phase avec l’époque je trouve. 

Et le rapport au lecteur n’est pas le même non plus… 

Personnellement j’ai toujours aimé lire des livres à la première personne. On écrit un peu ce qu’on aimerait lire, donc bon… 

Quels sont les livres qui t’ont le plus marquée ?

J’ai appris à aimer la littérature grâce à mon professeur de première. Enfin, j’avais commencé en seconde alors que j’étais hospitalisée parce que je n’étais pas très bien adolescente. Les deux livres qui m’ont le plus marquée sont Demande à la poussière de John Fante, mon éternel livre de chevet. C’est au lycée que j’ai découvert la littérature classique française, ça a commencé avec Balzac, surtout Le Père Goriot qui m’a fait découvrir un nouvel amour pour les longs récits de Proust, puis Stendhal, Flaubert ou Zola. Mais étrangement aujourd’hui, je me sens plus proche de la littérature américaine. Plus jouissive, moins contemplative, dans la quête de l’instant.

On retrouve une espèce de continuité narrative dans tes romans comme dans ceux de Balzac…

Oui, je m’en suis inspirée inconsciemment. Chez Balzac, j’aimais retrouver à chaque nouveau livre les mêmes personnages, à l’image de La Comédie Humaine. Je crois que j’aime l’idée d’un univers en perpétuelle métamorphose.

Où est-ce que tu as l’habitude d’écrire ?

Dans les cafés. 

Toujours ?

Oui, rien que dans les cafés. Je n’arrive à écrire que dans le bruit, le brouhaha, la frénésie, les odeurs des cafés. Après, il m’est arrivé plusieurs fois de me réveiller soudainement en pleine nuit, à demi-consciente, avec une idée. C’est comme ça qu’est né Bianca par exemple : je me réveillais la nuit et j’écrivais frénétiquement sur mon portable. Deux mois plus tard, je l’envoyais à l’imprimerie. 

Tu es du genre à te laisser guider par l’écriture ou est-ce que tu préfères tout contrôler ?

Je me laisse complètement guider par l’écriture. Je n’ai jamais écrit de plan, je ne sais jamais sur quoi ou qui je vais écrire le jour même. Lorsque je pense à quelque chose, je l’écris ; puis je m’arrête et reprends le lendemain à l’endroit où j’avais arrêté la veille. Je retravaille très peu mes textes. Je ne suis pas du genre à penser, analyser, intellectualiser ce que j’écris, pas du tout. Je ne cherche pas à faire quelque chose de spécialement beau.

Est-ce que certains de tes lecteurs se sont reconnus dans ton personnage et t’en ont fait part ?

Oui. J’en rencontre beaucoup sur les salons, j’ai toujours apprécié ces échanges. Il m’arrive aussi de recevoir des courriers, ou via Instagram et les réseaux sociaux, mais c’est surtout les plus jeune qui fonctionnent comme cela. Mais j’ai aussi des témoignages de femmes, de parents, qui viennent me voir. C’est toujours très touchant.

 As-tu déjà pensé à réaliser des films ?

Bianca va devenir un film, que je coécris actuellement ! Les droits ont été achetés, on a un producteur et on a eu plusieurs propositions de réalisateur et je pense avoir trouvé la bonne. Ma condition était que je participe au scénario et mes producteurs étaient sur la même longueur d’onde.

Le cinéma, c’était dans ta tête depuis longtemps ?

Pour le coup c’est très propre à Bianca mais dès l’écriture du roman, j’ai voulu que ce soit un film. Disons que c’était ma petite obsession.

Tu avais des images en tête de Bianca avant de l’écrire ?

Quand j’écris j’ai toujours des images. Je vois les scènes, les personnages, j’ai besoin de ça. Si les dialogues sont importants au cinéma, l’image et les sensations le sont encore plus. Pour moi c’était évident, il fallait que ce soit un film. Je suis très contente, j’ai hâte. La réalisatrice en question est franco-tchèque, mais tout n’est pas encore sûr, on verra.

Est-ce que le personnage de Bianca vit dans ce nouveau roman des sensations similaires à celles que tu décrivais dans le premier, comme le fait de ne pas se sentir en phase avec son environnement, l’impression de passer à côté de son existence ou d’être déplacée ?

Oui bien sûr, même si elle apprend à se laisser aller. Elle va vivre des choses particulières, comme avoir une relation avec un professeur qui a le triple de son âge, elle va fuguer et entrer en conflit avec son père, avec son corps aussi. Elle va traverser des choses extrêmement dures mais le personnage ne se pose jamais en victime. C’est ce qui est important. Elle finit par poser nue pour un magazine et apprend à aimer son corps, dans toute la difficulté et l’ambiguïté que cela peut générer. Bref, Bianca fait des choix. Cela lui est imposé par la ville de New York, qui l’oblige à avancer. Tu es obligé de faire des choix lorsque tu te retrouves à un carrefour comme celui-ci. C’est pareil dans la vie, plus tu grandis, plus tu dois faire des choix. Nos parents nous disaient toujours lorsque l’on était au lycée que c’était la meilleure période et qu’il fallait en profiter, alors que pour certains d’entre nous cette période a été terrible. La période 18-25 est parfois plus dure que l’adolescence parce qu’on est confronté à nos premiers choix, au monde, à notre personne, à nos envies. Donc voilà le vrai changement par rapport au premier roman.

Qu’espères-tu transmettre à travers ce roman ?

Comme son nom l’indique, qu’il y a de l’espoir. J’aimerais qu’à la fin de ce livre les gens soient libres de penser ce qu’ils veulent. Mais que ce soit dans le premier ou dans le second, j’essaie de transmettre à mes lecteurs la possibilité d’un espoir. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de happy end maintenant que les choses n’iront pas mieux plus tard. On avance, on vit, on grandit et ça va aller. J’aimerais rassurer les jeunes, rassurer les parents. J’essaie de faire voyager et de dire : « Ça va, c’est dur mais ça va aller ! » On s’en sort toujours, même quand c’est tout noir, on réussit généralement à transformer cela en positif. J’essaie de faire écho à ce que des gens de 40 ans aujourd’hui ont pu vivre à 17 ans. J’ai envie qu’on se sente moins seul en lisant mon livre, qu’on se sente accompagné par mon personnage, qu’on se sente bien avec elle. Pour moi c’est un thème universel. On a le droit de reprocher à mon livre de ne parler qu’à une certaine frange de la jeunesse : blanche, aisée etc. Mais problème de riche ou non, on a tendance à minimiser l’impact et la force dévastatrice de la dépression qui est, bien qu’occidentale, une vraie maladie. J’écris humblement sur ce que je connais, ce que je ressens, ce que je vis. Je n’ai pas l’intention de parler à la place des autres.

Et ton prochain livre parlera de quoi ?

Je me suis lancée dans l’écriture de mon prochain roman qui ne parlera pas de Bianca mais d’une autre femme. Il se déroulera dans une région française, entre deux temps : le présent et le passé… 

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